TÉMOIGNAGE- En 20 ans, Xavier D’Hondt à multiplié par huit la production laitière de l’exploitation familiale. Le système de production a été fortement intensifié et saturé. Il y a 4 ans, l’éleveur a opté pour le croisement génétique Procross pour espérer des animaux plus résilients et mieux adaptés aux évolutions de la conduite d’élevage.
« Je me suis installé en 2003 avec mes parents après douze années en tant que conseiller d’élevage dans le département. Il était temps pour moi, de mettre en pratique ce que je recommandais aux autres » entame Xavier D’Hondt quand il est interrogé sur la trajectoire de développement de son exploitation laitière. Cette dernière est située à Linselles, une petite ville dans la proche banlieue de Lille. Son père et sa mère produisaient alors 180 000 litres de lait avec 40 vaches laitières sur 53 hectares de SAU. Avec le développement urbain de Linselles (plus de 8000 habitants aujourd’hui), la ferme familiale est maintenant entourée de pavillons. « C’est une ferme dans la ville » commente Xavier D’Hondt.
Les hauts et les bas de la vente directe
Dans son projet d’installation, il était prévu que sa femme Anne reprenne les parts sociales de ses parents lors du départ à la retraite de ces derniers. Ce qui fut fait en 2010. « Ma femme, n’avait aucune expérience agricole » raconte Xavier D’Hondt. « Elle souhaitait garder une dimension relationnelle dans son nouveau métier d’agricultrice ». C’est pourquoi, elle a développé une activité de vente directe sur la ferme. « Cela a duré quinze ans et s’est arrêté soudainement après la Covid » se remémore l’agriculteur. Il explique que « la Covid a été une folie pour la vente directe, nous avons vécu un quasi burn out ». Ils ont alors fortement diminué la vente directe pour se spécialiser en production laitière.
4 acheteurs de lait
En 2023, les éleveurs ont vendu exactement 1 361 154 litres de lait, soit un litrage multiplié par huit en vingt ans. « Notre laiterie historique, Danone, se désengageait de la production laitière. Nous avons donc saisi toutes les opportunités de vente de lait pour nous développer » raconte Xavier D’Hondt. « Pour trouver des débouchés, nous avons créé, avec d’autres éleveurs, une entreprise de commercialisation de lait liquide, la SAS Haut de France Dairy qui vend une partie du lait de ses créateurs-éleveurs sur le maché intérieur et sur le marché mondial ». Un fermier- transformateur qui recherchait du lait pour développer sa fromagerie achète également une partie de leur lait. « Nous avons quatre acheteurs pour notre lait » compte Xavier D’Hondt. « La moitié de la production est livrée à Danone, 20 % à la SAS Haut de France Dairy, 20 % à la fromagerie voisine et nous continuons à en valoriser 10 % en vente directe ». « Cette diversification des débouchés pour notre lait nous a permis de nous développer malgré le désengagement de Danone » s’enthousiasme Xavier D’Hondt. Pour compléter le revenu, les éleveurs ont construit une unité de micro-méthanisation en cogénération. « Le revers de la médaille, c’est que nous ne sortons plus les vaches au pâturage » regrette un peu l’éleveur.
16661 litres de lait par hectare de SFPc
Tous les moyens de production sont saturés : les outils (127 vaches en lactation dans un bâtiment de 120 places), les hommes(un salarié et bientôt associé, Léo Vauquelin, a été embauché) et la surface. « Depuis mon installation, la production laitière a été multiplié par huit alors que la surface n’a augmenté que de 15 % (62 ha de SAU aujourd’hui), car l’exploitation est enclavée en zone résidentielle et il est impossible de s’agrandir à proximité ». La surface est cultivée intensivement avec un ensilage de RGI avant le maïs et les rendements en maïs ensilage sont excellents avec 18 tonnes de matière sèche en moyenne. Mais, cette surface ne suffit pas pour nourrir le troupeau laitier. Xavier D’Hondt gère son assolement en commun avec un voisin à qui il délègue le suivi des cultures. Au total, ce sont 92 ha de SAU qui sont cultivés en commun : 41 ha de maïs ensilage (précédés d’un RGI ensilage fauché à un stade jeune), 12 ha de pâture pour les génisses, 21 ha de pommes de terre, 3 ha de betteraves fourragères (un champ de 10 ha est mutualisée entre 4 éleveurs) et 15 ha de céréales. En plus, l’éleveur achète 6 hectares de maïs ensilage à l’extérieur ainsi que de la luzerne déshydratée pour nourrir les génisses. Pour suivre la rentabilité de son système laitier qui demande beaucoup d’achats extérieurs de fourrages et de prestations de culture, l’éleveur compare ses marges laitières à celles de 350 autres élevages laitiers de la région. Les hectares de fourrage sont très bien valorisés en lait puisque leur productivité atteint 16661 litres de lait par hectare de SFPc1 sur la campagne 2023-2024. La marge brute par ha de SFPc est de 4266 € plaçant l’exploitation dans le quart supérieur des exploitations en système maïs. La marge brute par 1000 litres de lait est de 256 €, en-dessous de la moyenne des 350 élevages comparés (274 €).
Vaches maigres
« C’est sûr, nous ne pourrons plus nous développer autant à l’avenir » est convaincu Xavier D’Hondt. Le seul levier d’augmentation de la production laitière disponible aujourd’hui, c’est d’augmenter la productivité des vaches. Le niveau d’étable est de 10400 litres bruts par animal présent (11100 kg de lait standard). « Une productivité dont je n’ai pas à rougir car elle nous positionne dans les 50 meilleurs élevages d’Avenir Conseil Élevage » commente Xavier D’Hondt. « En dix ans, nous avons beaucoup progressé techniquement. Mais, nos résultats techniques dérivaient sur deux points ». L’éleveur énumère « 1/ la mortalité des veaux qui atteignait 15 % avant le sevrage avec des nouveau-nés qui manquaient de vigueur et 2/ La fécondité avec un intervalle entre vêlages qui augmentait d’année en année au-dessus de 410 jours ». En plus, il constatait que « ses vaches de race Holstein avaient tendance à maigrir un peu trop en début de lactation » tout en en connaissant la cause. En effet, il a fait le choix d’une ration complète mélangée à l’auge sans distribution individuelle de concentrés (voir la ration). « Nous ne les soutenons pas avec du concentré en début de lactation bien qu’elles aient des pics de lactation à 40-45 litres ». L’état de quelques vaches maigres suscitaient parfois des remarques désobligeantes de la part du public accueilli sur la ferme. « Nous souhaitions donc progresser sur ces trois points techniques et la rencontre avec un voisin2 nous a convaincu de changer de race et de passer au croisement Procross® pour espérer avoir des animaux plus adaptés et résilients à notre système d’élevage ». Procross® est un croisement rotatif associant trois races laitières aux qualités complémentaires : la Holstein, la Montbéliarde et la Viking Red.
Croisement Procross
Xavier D’Hondt a commencé le croisement Procross® en 2020 en inséminant ses vaches Holstein avec des reproducteurs de race Montbéliarde. « Il faut accepter de prendre un nouveau départ en matière de sélection génétique, de déconstruire les schémas génétiques que mes parents avaient patiemment bâtis. Il faut abandonner ses repères avec un troupeau plus hétérogène » reconnait l’éleveur.
Cette année, les premières génisses totalement Procross (c’est-à-dire croisées Holstein X Montbéliard X Viking Red) vont vêler alors que la moitié du troupeau laitier est encore en race Holstein pure. L’éleveur tire néanmoins quelques convictions des quatre premières années de croisement. La première est que la production s’est maintenue à un haut niveau (10400 litres de lait brut par animal) et que les taux (TP = 34,7 g/l et TB = 41,6 g/l) ont progressé plus vite. Il attire néanmoins l’attention sur la moins bonne persistance laitière des vaches croisées avec la nécessité de maintenir l’intervalle entre vêlages à moins de 400 jours pour maintenir un bon niveau de productivité des vaches. Le taux de mortalité des veaux de moins de 6 mois a baissé de 9,4% en 2021 à 5,1 % en 2024. « Ce résultat est, pour moi acceptable, car ce sont essentiellement des mortalités au vêlage et, par choix, je laisse les vaches vêlées toutes seules » commente l’éleveur. Autre constat morphologique de l’éleveur : « les vaches croisées sont plus trapues que les Holstein et sont mieux adaptées au gabarit de mes logettes ». Au niveau du sanitaire, le taux cellulaire dans le tank était maîtrisé avant la conversion au croisement Procross avec moins de 100 000 cellules par ml en moyenne annuelle. La prévalence des mammites est également très faible avec seulement 19 mammites par an pour 138 vaches présentes. Au chapitre des désagréments, l’éleveur note « un tempérament plus nerveux des génisses et qui se tètent plus fréquemment ».
Xavier D’Hondt cultive également l’espoir que le croisement Procross va lui permettre d’améliorer son bilan carbone3 car « la vache Procross est réputée plus efficace en transformation des aliments en lait. Je pourrai alors vendre des crédits carbone sur le marché ».
- Pour calculer la Surface Fourragère Principale corrigée (SFPc), il faut ajouter à la SFP de l’atelier lait les achats extérieurs de fourrage ainsi que les achats de concentrés et de coproduits énergétiques. Pour l’exploitation laitière de Xavier D’Hondt, la SFPc a été évaluée à 80,5 ha pour la campagne du 01/04/2022 au 31/03/2023. ↩︎
- Il s’agit du Gaec de la Pouillerie à Houplin-Ancoisne (59) qui a fait l’objet d’un reportage dans notre édition d’Avril 2021. ↩︎
- L’élevage est en filière bas carbone. Les émissions nettes de l’élevage sont de 0,98 Eq CO2 par litre de lait aujourd’hui. ↩︎