Jérôme Auffrais du Gaec de la Mée tarit les trois-quarts de ses vaches sans antibiotique, seulement avec un obturateur de trayon !

Au Gaec de la Mée, trois-quarts des vaches sont taries sans antibiotique

REPORTAGE- En France, un élevage sur deux pratique le tarissement sélectif pour réduire les quantités d’antibiotiques utilisées. Le Gaec de la Mée est l’un d’entre eux. Avec des résultats remarquables.

Trois-quarts des vaches taries sans antibiotique, seulement avec un obturateur de trayon ! C’est la statistique que pointe sur son écran d’ordinateur Jérôme Auffrais, le responsable du troupeau laitier du Gaec de la Mée. Avec ses trois associés et un salarié, le jeune agriculteur exploite une ferme aux productions diversifiées située à Châteaubriant, dans le nord de la Loire-Atlantique. En plus de livrer 1,4 million de litres de lait conventionnel avec un troupeau de 140 vaches montbéliardes, les quatre associés cultivent 280 hectares de terre, engraissent 450 taurillons et vendent du biométhane ainsi que de l’électricité photovoltaïque.

LE CHIFFRE :
52 % des éleveurs laitiers
pratiquent le tarissement sélectif

Source : Enquête agrinova auprès de 202 éleveurs xxlait en nov. 2023

Contaminations en fin de tarissement

« Je me suis intéressé au tarissement sélectif il y a environ dix ans » raconte Jérôme Auffrais lorsqu’il évoque les raisons pour lesquelles il s’est lancé dans cette pratique. Il poursuit en décrivant « qu’à cette époque, les démarrages en lactation étaient marqués par un nombre important de cellules et de mammites ». Sa vétérinaire, Amélie Jolivel 1, explique « que les vaches qui développent des mammites en début de lactation se sont contaminées en fin de tarissement ». En effet, des études ont démontré un lien entre les bactéries responsables des mammites en démarrage de lactation et celles présentes sur la peau des trayons ou dans la litière du logement des taries. Pour la vétérinaire, « les obturateurs de trayon préservent de ces contaminations de fin de tarissement ». Jérôme Auffrais était donc déterminé à mettre « des bouchons » sur toutes ses vaches à tarir. Pour maîtriser les coûts vétérinaires, il a évolué vers le tarissement sélectif en ajoutant ou non un antibiotique en fonction du taux cellulaire de l’animal. Les mères qui ont moins de 100 000 cellules dans le mois précédent le tarissement ne reçoivent que des obturateurs. Pour celles à plus de 100 000 cellules, seuls les quartiers infectés sont traités aux antibiotiques. Les comptages cellulaires pris en compte sont ceux indiqués par leurs deux robots Lely. Quatre fois par an, l’éleveur demande des analyses de lait à son contrôle laitier pour valider la cohérence entre les indicateurs cellules du robot et les résultats du laboratoire.

Jérôme Auffrais et sa vétérinaire Amélie Jolivel. Les comptages cellulaires pris en compte pour déterminer le protocole de tarissement à appliquer sur chaque vache sont ceux indiqués par les deux robots de l’exploitation.
Jérôme Auffrais et sa vétérinaire Amélie Jolivel. Les comptages cellulaires pris en compte pour déterminer le protocole de tarissement à appliquer sur chaque vache sont ceux indiqués par les deux robots de l’exploitation.

120 000 cellules au tank à lait

« Mon objectif est d’utiliser le moins d’antibiotique possible » souligne Jérôme Auffrais.  Objectif atteint, puisqu’en 2023, 75 % des vaches taries n’ont reçu qu’un obturateur de trayon et sur la quasi-totalité des autres bêtes, seulement un ou deux quartiers ont été traités. « Une seule vache a reçu un antibiotique dans ses quatre quartiers » note avec satisfaction l’agriculteur. « Tarir avec seulement un obturateur est, pour moi, motivant et valorisant » se félicite le producteur de lait. « Cela récompense notre travail en amont pour garder des mamelles saines ». Sa vétérinaire, confirme que « cette performance n’est possible que parce que la santé mammaire est très bien maîtrisée dans l’élevage ». Le niveau cellulaire dans le tank est inférieur à 120 000 cellules par millilitre de lait en moyenne annuelle. Au moment de notre reportage, la première semaine de février, seulement 10 % des 120 vaches traites affichaient plus de 100 000 cellules dont deux à plus de 500 000 cellules. « C’est le résultat d’une rigueur de tous les jours » commente Jérôme Auffrais. Les aires d’exercice, en caillebotis, et les logettes sont maintenues propres. Les queues sont tondues et les poils des mamelles sont brûlés pour que les vaches arrivent à la traite avec des mamelles propres. « Nous investissons du temps sur l’élevage » reconnait l’associé du Gaec de la Mée. « nous avons investis dans le confort du bâtiment ainsi qu’en mécanisant certaines tâches pour avoir du temps disponible rapidement et efficacement auprès des animaux ». Le bon niveau cellulaire est également dû à une réforme systématique des vaches qui récidivent après une mammite traitée.

Le tarissement sélectif au Gaec de la Mée. Répartition des vaches en fonction du protocole de tarissement appliqué : Obturateur seul ou Antibiotique + Obturateur (En % des vaches taries dans les 365 derniers jours).

Le tarissement / un acte hygiénique

Le taux d’échec du tarissement sélectif est très faible dans l’élevage puisqu’une seule vache a plus de 100 000 cellules dans les 60 premiers jours de lactation. « L’hygiène au tarissement est fondamentale pour éviter les contaminations de la mamelle à ce moment-là » insiste Amélie Jolivel, la vétérinaire de l’élevage. « L’introduction d’une seringue intramammaire ou d’un obturateur est un acte hygiénique qui ne doit pas profiter aux germes pour pénétrer dans le trayon ».

Jérôme Auffrais tarit ses vaches le vendredi. Il les passe au robot afin de les tarir immédiatement après cette dernière traite.  Cette conduite permet de bien vidanger la mamelle et d’intervenir sur des trayons propres. A la sortie du robot, les animaux sont dirigés vers la cage de parage. « Toutes les vaches sont parées avant leur tarissement » décrit l’éleveur.  « Quand elles ont une patte arrière levée, j’ai facilement accès à leur mamelle ». En ce qui concerne l’hygiène, le producteur laitier insiste sur le lavage des mains et le protocole de désinfection des sphincters. Il souligne « qu’il ne désinfecte que l’extrémité du trayon, uniquement le sphincter ». Ilutilise les lingettes fournies avec les produits vétérinaires en « les gardant pliées pour tamponner le sphincter ». Sa vétérinaire valide qu’il ne faut pas déplier totalement la lingette « car cela conduit à l’appliquer sur une trop grande surface du trayon au risque de contaminer le sphincter. De plus, le produit désinfectant va s’évaporer dans l’air ». Elle recommande également de commencer par désinfecter les trayons les plus éloignés. Sinon, en commençant par les trayons proches, ces derniers peuvent-être recontaminés par les avant-bras du trayeur lorsqu’il va chercher à atteindre les autres trayons (voir les recommandations d’hygiène au tarissement dans l’encart dédié).

« Le tarissement sélectif a changé notre rapport au médicament. Cette pratique nous a convaincus qu’en mettant en place des actions préventives, on pouvait utiliser moins d’antibiotiques » raconte Jérôme Auffrais. Il a répliqué cet état d’esprit sur l’élevage des veaux. En mettant l’accent sur la qualité du colostrum et sur l’hygiène du matériel de distribution des buvées, le taux de veaux malades est descendu à 3 %.

Les 7 règles d’hygiène au tarissement

Source : Le Petit Guide des prélèvements et des soins de la mamelle conçu par le cabinet Vétérinaire Arcalys – 2016

  1. Se laver les mains et si possible utiliser des gants hygiène à usage unique.
  2. Nettoyer les trayons.
  3. Réaliser un CMT sur les vaches ayant un comptage cellulaire de plus de 10 jours pour contrôler l’état sanitaire de la mamelle.
  4. S’assurer que la mamelle est bien vidangée.
  5. Désinfecter les trayons en commençant par les plus éloignés et en tapotant les sphincters avec la serviette désinfectante gardée pliée.
  6. (Si antibiotique) : Infuser l’antibiotique en commençant par les trayons les plus proches et en utilisant l’embout court.
  7. (Si obturateur) : Appliquer la pâte de l’obturateur en commençant par les trayons les plus proches. Secouer le tube puis purger l’air une fois le capuchon enlevé (si l’obturateur le requiert). Pincer légèrement la racine du trayon puis déposer la pâte dans le trayon. Presser légèrement le trayon pour ramener un peu de pâte au niveau du sphincter.
  1. Amélie Jolivel est l’une des vétérinaires d’Arcalys, un cabinet situé à Châteaubriant (44). ↩︎