Sébastien Chauvelier, installé hors cadre familial en 2021

Un décalage entre les attentes des hors-cadres familiaux et l’offre de reprises

Jérôme Griffith est responsable du site CSPA de Combourg qui dépend du lycée agricole Théodore Monod du Rheu. Ce centre de formation accueille des adultes en reconversion aux métiers du paysage, du maraîchage et de l’élevage. Ils sont très souvent Non Issus du Milieu Agricole (NIMA). L’animateur du CSPA nous a fait part des motivations et des projets d’installation qui animent ces NIMA.

« L’approche de nos apprenants vis-à-vis de l’agriculture tranche avec le modèle familial traditionnel » explique Jérôme Griffith. Pour eux, être agriculteur est un métier comme un autre que l’on n’exerce pas forcément toute sa vie. Leur rêve n’est pas de posséder leur ferme, mais d’exploiter pendant une tranche de vie. Le modèle agricole le plus prisé chez les NIMA est « le collectif diversifié » comme le nomme le responsable du CSPA. C’est-à-dire travailler en commun une diversité de productions. Ce qui permet d’être suffisamment nombreux pour organiser le temps du week-end et des vacances tout en limitant la taille de chaque atelier pour échapper à l’agriculture industrielle. Selon Jérôme Griffith, « cette vision du métier est en décalage avec les habitudes et rencontre des freins de la part des cédants et des banques qui jugent plus sécurisant la reproduction du modèle existant ». Une moitié des diplômés en BTSA ACSE du CSPA parviennent à créer leur entreprise à l’issue de leur formation.

Les Chiffres-Clés des installations en élevage laitier

Dans les faits, la majorité des nouveaux éleveurs laitiers s’installent sur des systèmes de production plutôt conventionnels. « En tout cas beaucoup plus que dans les autres secteurs agricoles » remarque Bertille Thareau, sociologue à l’ESA d’Angers1. 30 % s’installent en Bio contre 52 % pour les autres jeunes agriculteurs, 20% font de la commercialisation directe contre 73 % dans l’ensemble des autres filières et 14% transforment leurs productions contre 44% des autres nouveaux installés. Éric Bernard, président de Quatuor Transactions, une agence immobilière spécialisée en agriculture et viticulture, constate également un décalage entre la demande des porteurs de projet et les propositions de reprise. Une donnée illustre ce décalage : l’agence revendique un portefeuille d’environ 3000 candidats hors-cadres familiaux à la reprise d’une exploitation pour 100 fermes laitières à céder dont seulement une vingtaine sont réellement vendues annuellement ! Le directeur de Quatuor Transaction explique « que la demande des hors cadres familiaux est majoritairement orientée vers des exploitations faiblement capitalistique (moins de 500 000 €) alors qu’il a en portefeuille d’offres de reprise une majorité de grosses exploitations ».

98% des jeunes éleveurs

se sont installés pour être au contact des animaux

Selon les résultats d’une enquête réalisée par la Chaire Mutations Agricoles de l’École Supérieure d’Agriculture d’Angers (ESA d’Angers), 98% des jeunes éleveurs se sont installés pour être au contact des animaux, 81% pour être leur propre patron et 49% apprécient la flexibilité des horaires.

Ces observations rejoignent celles de l’enquête réalisée en 2022 par Le Mag XXLait auprès de 300 éleveurs laitiers français. Les répondants à notre sondage nous ont dit que ce qui les motive le plus dans leur métier, c’est 1/ d’être auprès des animaux, de prendre soin d’eux ; 2/ l’indépendance, être son propre patron et 3/ le cadre de vie, être dans la nature, travailler en famille. Entreprendre, gérer, manager n’arrivaient qu’au quatrième rang des motivations.

  1. Bertille Thareau n’est pas intervenue lors du colloque du Mag XXLait, mais lors d’une réunion organisée, sur le même thème, par la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire au printemps 2024. ↩︎