Selon Christophe Perrot, agroéconomiste à l’IDELE, le taux de remplacement des retraités de l’élevage laitier va s’améliorer dans les années à venir. Il nous a explique pourquoi.
Christophe Perrot, agroéconomiste à l’IDELE, observe les évolutions démographiques de la totalité des actifs agricoles plutôt que de se concentrer uniquement sur les chefs d’exploitations. De ce point de vue, l’agriculture française, dans son ensemble, emploie un nombre quasiment stable d’actifs depuis 2010, autour de 600 000 personnes. Sur la dernière décennie, la baisse du nombre d’exploitants agricoles (-1,5% par an) a été compensée par le recrutement de salariés. La part des chefs d’exploitation dans la main d’œuvre agricole est passé de 66% à 57%.
Mais, la filière laitière tient une place à part puisque 86% des emplois sont non-salariés.
L’élevage de ruminants représente 37% des exploitations mais plus de 50% des emplois agricoles non-salariés. L’élevage laitier demeure le premier pourvoyeur d’emplois agricoles non-salariés en France, devant les grandes cultures. Dans cette filière, le renouvellement des actifs dépend donc fortement du remplacement des exploitants et co-exploitants.
En prévision, un taux de remplacement à la hausse de 40 à 60%
La diminution du nombre d’exploitants a été trois plus rapide dans l’élevage laitier que dans tous les autres secteurs agricoles. Sur la dernière décennie, le nombre d’exploitants et de co-exploitants laitiers a diminué de 4% par an en passant de 110 000 en 2010 à 75 000 en 2022. Cette hémorragie démographique a entraîné une diminution de 8,2% du cheptel laitier entre 2018 et 2023 qui n’a été que partiellement compensée par une hausse de la productivité des vaches. Si bien que la collecte laitière a diminué de 6% sur la même période, soit -1,5 milliard de litres de lait dans les tanks à lait.
L’IDELE projette que la moitié des exploitants laitiers présents en 2018 seront retraités en 2027.
Cette estimation est proche de celle de l’enquête prospective réalisée par Le Mag XXLait fin 2022 qui révélait que 45% des 300 répondants ne seront plus éleveurs laitiers en 2027. Ils seront soit partis à la retraite, soit lassés du métier. Christophe Perrot constate que les exploitants laitiers partent plus tôt en retraite que la moyenne des actifs : une grande majorité d’entre eux partent à 60 ans. Or, lors du dernier recensement agricole de 2020, la classe d’âge entre 50 et 60 ans représentait plus de 45% des exploitants. L’agroéconomiste conclue « qu’en 2024, le pic de la vague des départs en retraite est derrière nous ».
En contrepoint, le nombre d’installations en lait se stabilise autour de 1700 installations par an depuis 2018
Le reflux des départs en retraite associé à une stabilisation des installations devrait mécaniquement améliorer le taux de remplacement dans les prochaines années. L’IDELE table sur un taux de remplacement de 60% en 2030 au lieu de 40% aujourd’hui (sauf dans les zones montagneuses où il nettement est plus élevé). Malgré cette embellie attendue, l’élevage laitier restera derrière les autres filières agricoles où 8 départs sur 10 sont remplacés.
Attirer plus de femmes et de hors cadres familiaux
Il existe des raisons objectives d’être résolument optimiste sur un rebond du taux de remplacement. Le prix du lait a franchi un cran au-dessus de 400 € la tonne ce qui permet d’améliorer le résultat courant par UMO exploitant. La profession en avait bien besoin car l’élevage laitier se situe en queue de peloton des revenus agricoles, loin derrière les grandes cultures, l’élevage porcin ou l’élevage de volailles. La robotisation s’accélère : 45% des élevages XXLait ont robotisé la traite. L’amélioration de la situation financière ainsi que de la pénibilité du travail permettront à la filière d’être plus attractive pour les salariés agricoles… qui, peut-être s’installeront plus tard. En effet, le statut de salarié agricole et plus encore d’apprentis est une bonne porte d’entrée pour l’installation : 9% des salariés et 15% des apprentis deviennent exploitants. L’installation en collectif (seulement 13% d’installations en individuel) facilite l’organisation pour raccourcir les journées de travail et libérer des jours de vacances et de week-ends. La prise de conscience de la nécessité de revoir le mode de calcul de la valeur de reprise des exploitations a fait son chemin. Pour les cédants, la valeur économique (la rentabilité) modère la valeur patrimoniale et les repreneurs analyse la valeur de reprenabilité. Les solutions d’accès au foncier se diversifient grâce au portage bancaire et aux foncières solidaires.
Selon Christophe Perrot, il faudrait actionner deux leviers pour donner un coup de pouce au taux de remplacement. 1/ Faciliter l’installation hors cadre familial qui représente aujourd’hui un tiers des installations individuelles mais seulement 15% des formes sociétaires. Le « Gaec à l’essai » est un outil reconnu pour mettre à l’épreuve un projet d’association. 2/ Les femmes s’installent trop peu en élevage laitier. Par exemple, elles représentent à peine 20% des jeunes (< 40 ans) exploitants de fermes laitières dans les Pays de La Loire. Or, selon l’expert de l’IDELE, les secteurs agricoles qui affichent un bon taux de remplacement sont ceux qui attirent les jeunes femmes.