REPORTAGE – Ludovic et David Lambert récupèrent 3000 m3 d’eau de pluie qui sont stockés dans un étang, filtrés et traités suivant un process conçu par la société Ocene avant d’être distribués à leurs 360 bovins. Un exemple inspirant à l’heure où les restrictions de puiser dans les nappes phréatiques se multiplient.
C’est en 2006 que Ludovic et David Lambert, les deux associés du Gaec du Plateau Tartouzien, ont récupéré leurs premiers litres d’eau de pluie pour abreuver leurs animaux. Dans leur exploitation située à proximité de Pornic en Loire-Atlantique, ils produisent 800 000 litres de lait avec 90 vaches laitières et élèvent 35 vaches allaitantes en système naisseur-engraisseur. Tous les mâles nés dans le troupeau laitier sont engraissés en taurillons ou en bœufs. « Nos 360 bovins consomment entre 15 et 20 m3 d’eau par jour » calcule Ludovic Lambert. « Comme nos animaux sont au pâturage neuf mois de l’année, avant 2006 ils buvaient essentiellement dans des trous d’eau » raconte l’éleveur qui ajoute que « pour contrôler le parasitisme, ces derniers ont été bouchés et remplacés par une trentaine de bacs de 1000 litres à niveau constant ». Pour alimenter ces abreuvoirs, le forage d’un puits a été écarté car il aurait fallu creuser à plus de 90 mètres de profondeur pour obtenir une eau, qui plus est, ferrugineuse1.
Récupération de l’eau de pluie
En 2022, la capacité de stockage de l’étang a été doublée pour atteindre 3000 m3 et la surface de toiture collectée a été portée à 3700 m2. Ces travaux devraient permettre de valoriser 3000 m3 d’eau de pluie par an pour couvrir 40 à 50 % des besoins d’abreuvement des 360 bovins. Les toitures choisies doivent être sans amiante ciment et être maintenues propres pour limiter les contaminations à la source. Les chéneaux et les gouttières acheminent l’eau de pluie dans un regard surélevé par rapport au niveau du sol afin que ce dernier ne collecte pas les eaux de ruissellement des plateformes bétonnées. L’eau est dirigée directement dans l’étang sans filtration préalable car, « c’est l’étang qui joue le rôle de décanteur des matières organiques » selon Pierre-Emmanuel Burin d’Ocene qui ajoute « qu’en cas d’utilisation d’une cuve de stockage, la filtration devient indispensable ». L’eau est alors pompée en surface de l’étang (le point de pompage est fixé à un radeau de surface) jusqu’à la station de traitement. Dans cette dernière, elle est d’abord filtrée en traversant verticalement un sable spécifique, appelé média filtrant. Ce type de filtre permet de retenir les particules organiques de plus de 25 microns. « S’il est nécessaire de diminuer la charge en éléments plus fins, nous ajoutons un traitement par floculation pour précipiter le reste de la matière organique » précise Pierre-Emmanuel Burin. Le matériau filtrant change d’une installation à l’autre en fonction des éléments à filtrer et des besoins de reminéralisation. « Pour la déferrisation, on va utiliser du Magnodol, un filtrant à base de carbonate de calcium et de magnésie, qui va également permettre de recharger l’eau en calcium » cite en exemple le technicien.
Désinfection au dioxyde de chlore
Après la filtration, l’eau est désinfectée au dioxyde de chlore qui est fabriqué sur place, par l’unité de traitement, en associant de l’acide chloridrique à du chlorure de sodium. « Le dioxyde de chlore est un désinfectant plus rémanent que le chlore ou le peroxyde et va donc protéger l’eau jusque dans l’abreuvoir » argumente Pierre-Emmanuel Burin. La quantité de produits désinfectants à injecter dans l’eau est réglée par les éleveurs en fonction du dosage du chlore résiduel au niveau des abreuvoirs. Le technicien d’Ocene conseille de faire cette mesure « 2 à 3 fois par an, au moment des grands changements de climat ». L’hiver, les brassages de matière organique dans l’étang sont plus importants à cause des apports d’eau plus volumineux tandis que l’été, le risque de contamination provient de la concentration engendrée par la diminution du niveau de l’eau. L’eau filtrée et traitée est stockée dans une réserve tampon de 10 m3, une capacité calculée pour renouveler l’eau stockée régulièrement tout en laissant le temps nécessaire pour un traitement efficace. La pompe qui refoule l’eau dans les 5 km de réseau a une vitesse variable afin de maintenir une pression permanente de 4 bars dans les tuyaux, de manière à ce que le débit d’eau soit suffisant au niveau des abreuvoirs dont certains sont éloignés de plus de 2 km.
Un investissement amorti en 4 à 5 ans
« La filtration et le traitement utilisés ici, au Gaec du plateau Tartouzien, ne permettent pas d’obtenir une eau potable au sens réglementaire du terme » observe Pierre-Emmanuel Burin d’Ocene. Ce n’était pas ce qui était recherché par les éleveurs qui utilise de « l’eau du robinet » pour le lavage du matériel de traite et pour leur consommation personnelle. Le traitement appliqué par Ocene permet de distribuer aux animaux une eau conforme aux normes sanitaires.
L’investissement dans la station de traitement (de l’ordre de 15 000 €) est amorti sur 5 ans. Pendant cette période, l’eau de pluie traitée coûte un peu moins de 1 € / m3 contre 1,63 € / m3 pour l’eau du robinet. Ensuite, le coût de revient de cette eau est d’environ 10 cts d’euros / m3 représenté par les consommables. « Pour nous, l’intérêt n’est pas uniquement financier » relève Ludovic Lambert. « L’eau est une ressource précieuse et, en tant qu’agriculteurs, nous devons prendre notre part pour l’économiser. Pour nous, il faut réserver l’eau potable pour les besoins humains et valoriser d’autres sources d’eau pour les usages moins exigeants en qualité ».
- La voie chimique des traitements bactériologiques utilise des oxydants. Pour améliorer l’efficacité de ces traitements, il faut, au préalable, éliminer tous les éléments susceptibles de s’oxyder comme le fer, le manganèse et la matière organique. ↩︎
- Dans son plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau dévoilé le 30 mars 2023, le gouvernement veut encourager la valorisation des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles, notamment ceux d’élevage (article 19). ↩︎