25 à 30 % des éleveurs pourraient ne plus livrer de lait à la fin de la décennie. En plus, quatre élevages en structure collective sur dix connaitront un départ d’au moins un associé dans les cinq prochaines années. Quelles sont les conditions pour qu’une partie de ces exploitations trouvent un repreneur ou que les associés soient remplacés ?

« Pour vendre, il faut s’interroger : quel est le juste prix de mon exploitation ? »

EXPERTISE-25 à 30 % des éleveurs pourraient ne plus livrer de lait à la fin de la décennie. En plus, quatre élevages en structure collective sur dix connaitront un départ d’au moins un associé dans les cinq prochaines années. Quelles sont les conditions pour qu’une partie de ces exploitations trouvent un repreneur ou que les associés soient remplacés ? Éléments de réponse avec la direction du marché de l’agriculture au Crédit Mutuel de Bretagne (CMB).

CMB – Les vendeurs doivent-être conscients que, très souvent, le principal frein à la reprise de leur exploitation, c’est le prix de vente. Ils sont souvent trop gourmands, particulièrement quand le prix du lait augmente ! Le juste prix d’une exploitation s’évalue en prenant en compte la valeur patrimoniale, la valeur économique (le revenu qu’elle peut dégager) et les conditions de financement du moment. La valeur d’une exploitation, c’est le montant du chèque qu’un acheteur peut faire pour l’acheter. Pour nous, le prix d’acquisition d’une exploitation laitière devrait se situer autour de 80 à 85 ctes par litre de droit à produire hors foncier non bâti. Entendons-nous bien : ce prix inclus le prix d’achat plus les montants des travaux à réaliser pour que l’acheteur puisse produire dans des conditions de travail viables en respectant le bien-être animal et les normes environnementales. Bien sûr, certains facteurs d’attractivité augmentent la valeur comme la robotisation ou du foncier bien structuré.

Crédit Mutuel de Bretagne (CMB)

CMB – En Bretagne, ce sont surtout des structures autour de 400 à 600 000 litres de lait avec un parcellaire permettant du pâturage qui sont reprises, pour des raisons de prix de vente mais pas seulement. Les jeunes agriculteurs s’y installent en couple ou avec un salarié. L’équilibre entre vie de famille et travail n’est pourtant pas des plus évidents à trouver dans ce type de structure. Le renouvellement d’un associé d’un Gaec (c’est rare que tous les associés partent en même temps !) est un peu plus difficile. Quant aux exploitations avec un seul dirigeant et plusieurs salariés, elles demandent un repreneur au profil d’agri-manager plus compliqué à trouver, mais pas aussi rare que cela. Nous observons que des managers avec de l’expérience sont tentés par un retour à la terre sans être, pour autant, des idéalistes. Ils ont une vision du métier d’éleveur différente, plus focalisée sur la rentabilité et sur la qualité de vie. Ils ont généralement de bonnes compétences dans l’organisation, mais ont moins d’expérience des techniques de production, ce qui les rend plus dépendants de leurs salariés. C’est pourquoi, ils ont un management moins descendant et plus collaboratif en impliquant leurs salariés dans les résultats par des primes d’intéressement.

  • 25 à 30 % des élevages laitiers envisagent de cesser la production laitière d’ici 2023. La France ne compterait plus que 30 000 élevages au lieu des 52 000 actuels.
  • La quasi-totalité des exploitants individuels qui partiront à la retraite dans les 5 prochaines années pensent que leur exploitation sera rachetée par un voisin.
  • 39 % des structures laitières collectives (Gaec, Earl, Scea et autres) connaîtront le départ d’un associé dans les 5 prochaines années.
  • Le remplacement de cet associé se ferait par…
    • 48% : intégration d’un nouvel associé.
    • 36% : embauche d’un salarié.
    • 24% : robotisation et / ou la délégation de travaux.
    • 17% : abandon d’une production.
    • 11% regroupement avec d’autres exploitations.

Source : Enquête Agrinova auprès de 300 élevages laitiers, décembre 2022.

CMB –Rechercher un associé nécessite d’élaborer et de dérouler un plan d’actions. Dans les faits, la mise en conditions n’est pas aussi simple, à commencer par identifier ceux qui se chargent de ce dossier dans le Gaec : les associés qui partent ou ceux qui restent ? Trouver un associé, ce n’est pas uniquement apprécier de travailler ensemble. Pour que l’association dure, il faut-être d’accord sur la stratégie de l’exploitation, sur la façon dont se prennent les décisions, sur l’équilibre entre travail et vie privée, sur le niveau de revenu. Il existe un dispositif aux contours juridiques et fiscaux bien définis qui propose à de futurs associés de tester leur projet d’association en conditions réelles pendant un an renouvelable, avec la possibilité d’y mettre fin à tout moment. C’est le Gaec à l’essai. Pour nous, ce dispositif va faciliter les associations en apportant plus de sécurité.

CMB – L’une des originalités du CMB, c’est notre partenariat avec la SAFER et la région Bretagne pour proposer aux jeunes agriculteurs l’achat différé des terres qu’ils exploitent. Comment ça marche ? C’est la SAFER qui achète le foncier à vendre grâce à un prêt bancaire auprès du CMB. La région Bretagne se porte caution du prêt. Pendant dix ans, l’agriculteur est locataire des terres et paye son loyer à la SAFER. Au bout de 10 ans, il peut racheter les terres auprès de cet organisme et en devenir propriétaire.    

Nous cherchons à développer une relation différente avec les porteurs de projets avec l’objectif commun de leur réussite sur le long terme. Tous les dossiers méritent d’être étudiés, chaque reprise est un cas particulier. Nous échangeons avec lui sur sa vision de son exploitation à cinq ans, afin de pouvoir révéler ce qui l’intéresse, ce qu’il veut faire, le carburant qui le fait avancer. Ce que nous cherchons à déterminer lors de ces échanges, c’est sa capacité à être chef d’entreprise, de savoir écouter et décider.