Guillaume Vincent associé du Gaec des Pensées (à droite) et Maxime Grellier, le technicien SenseHub qui suit l’élevage, échangent sur l’analyse et l’interprétation des courbes de rumination, d’ingestion et de stress thermique générées par le monitoring SenseHub.

Avec 14000 kg de lait par vache, le monitoring est devenu indispensable.

REPORTAGE – Au Gaec des Pensées, les chaleurs des vaches s’exprimaient de façon plus courte et silencieuse avec l’augmentation du niveau de production, à tel point que la fécondité s’est considérablement dégradée. Guillaume Vincent, le responsable de l’élevage, a dû admettre qu’il ne pouvait plus se passer de monitoring et a investi dans un équipement SenseHub® Prémium.

« Nous voulons produire le maximum de lait avec le minimum de vaches pour faire le plus possible de cultures de vente ». Guillaume Vincent affiche clairement la stratégie du Gaec des Pensées situé à Pougné-Hérisson dans les Deux-Sèvres (79). Sur les 260 ha de l’exploitation, 60 sont consacrés à nourrir les 220 bovins de l’exploitation (dont 25 ha de maïs ensilage irrigués), auxquels s’ajoutent 57 ha d’ensilage de seigle cultivés en dérobée avant le maïs pour améliorer la structure du sol. Les deux-tiers de la ration des vaches en lactation sont constitués de céréales produites sur l’exploitation, de correcteurs azotés et de suppléments nutritionnels pour produire entre 42 et 45 kg de lait en moyenne par vache et par jour (voir le tableau 2 : la ration des vaches en lactation). « Nous sommes loin de l’autonomie protéique » commente Guillaume Vincent, l’un des quatre associés du Gaec et responsable de la conduite du troupeau de 115 laitières. « Pour moi, l’alimentation ce n’est pas une charge, mais un investissement » argumente l’éleveur qui explique que « s’il avait 150 vaches pour livrer son objectif de 1,5 million de litres de lait, il lui aurait fallu un bâtiment plus grand 1, passer plus de temps à la traite 2 et consacrer plus de surface à l’alimentation des animaux ».

A L’AUGEPar vache et par jour
Ensilage maïs 2021 16.5 kg MS
Ensilage de Seigle à 14% MS 23.0 kg MS
Maïs Grain farine4.6 kg MS
Ensilage de maïs épis2.5 kg MS
Orge2.6 kg brut
Correcteur azoté 45% MAT 34.9 kg brut
Concentré VL 5 litres2.0 kg brut
Prémix minéral1.23 kg brut
Huile de Palme Fractionnée400 g
Nutritionnel Support Stress Thermique250 g
Enzyme Digestion Cellulose30 g
AU DAC
Concentré VL 3 litres 1.6 kg brut
pendant les 60 premiers jours
INGESTION TOTALE28.1 kg MS
Marge sur Coût Alimentaire (MCA) 411.45 €
(1) L’élevage a plus d’un an de stock de maïs fourrage dans ses silos; (2) 57 ha de seigle sont semés en dérobée devant le maïs pour améliorer la structure du sol; (3) Enrichi en méthionine protégée et en lysine non protégée.; (4) En juin 2023 – Ration à 1.06 UFL / Kg MS permettant de produire 41,6 kg de lait.

« Pour arriver à ce niveau de production, il faut accepter d’y consacrer du temps, d’être présent pour observer les animaux » insiste l’éleveur. Avec son frère salarié de l’exploitation, ils ne s’occupent que de la conduite du troupeau laitier. « S’occuper des vaches, c’est mon métier ! » Guillaume Vincent « pense à ses vaches vingt-quatre heures sur vingt-quatre ». Et ce n’est pas qu’une expression : 100 % des vêlages sont surveillés, y compris ceux de nuit. « Comme je suis toujours avec mes vaches, j’étais persuadé que je pouvais surveiller les chaleurs de mes animaux sans monitoring. Mais, avec l’augmentation du niveau de production, la fécondité s’est progressivement dégradée » reconnait l’agriculteur.  L’intervalle entre vêlages s’est progressivement allongé entraînant le stade moyen de lactation à 6,5 mois alors que l’objectif de l’éleveur est de 5,5 mois. Le taux de réussite à la première IA (entre 40 et 45 jours après le vêlage) était tombé à 28 %.  « La fécondité était la première cause de réforme, à tel point que les primipares représentaient 40 % du troupeau » se souvient l’exploitant. Avec l’aide de sa vétérinaire, qui assure le suivi de la reproduction dans l’élevage tous les 45 jours, il a pu identifier deux explications à cette lente détérioration des résultats. Premièrement, le dosage du Béta-OH dans le sang en début de lactation (un indicateur de l’acétonémie) a permis de déceler un déficit énergétique trop important entre le trentième et le soixantième jour de lactation. En cause un arrêt de la complémentation au DAC (avec 1,6 kg de concentré VL 3litres) après le premier mois de lactation. Guillaume Vincent a corrigé le tir en prolongeant la complémentation jusqu’à 60 jours. Sa vétérinaire a également attiré son attention sur le fait que les vaches très hautes productrices ont tendance à exprimer des chaleurs plus courtes, plus silencieuses, au point que certaines d’entre elles peuvent échapper à la surveillance. « C’est un phénomène lié à l’augmentation du niveau de production » souligne Guillaume Vincent.

Il en a conclu qu’il lui fallait être meilleur dans la détection des chaleurs et dans le moment d’inséminer. Il a laissé ses certitudes de côté et a décidé de se faire aider par un outil de monitoring. Sa vétérinaire lui a conseillé de choisir une solution qui associe l’activité à la rumination car c’est plus fiable pour détecter les chaleurs silencieuses. « Entre les différents outils comparés, nous avons retenu SenseHub pour sa facilité d’utilisation sur nos smartphones » justifie Guillaume Vincent.  A la fin de l’année 2022, les associés du Gaec ont investi dans un système de monitoring SenseHub, en version prémium, pour un coût d’environ 20 000 € 3.  L’outil comprend des capteurs auriculaires V2 4 équipés d’un accéléromètre 3D. Guillaume Vincent a préféré ce type de capteurs aux colliers (également disponibles) car il les juge plus faciles à installer lorsque les animaux sont bloqués au cornadis. Les capteurs mesurent l’activité, la durée d’ingestion, le temps de rumination et l’essoufflement de chacune des vaches et envoient en continue ces informations comportementales à un data center via une antenne d’une portée de 500 mètres positionnée au centre du bâtiment 5. Un algorithme analyse le temps passé par chaque animal à manger, à ruminer, à être couché et à se déplacer et le compare à l’historique de l’animal pour révéler des changements qui sont interprétés en alertes « chaleur », « problème sanitaire » ou « stress thermique ». En plus de ces alertes, la version premium de SenseHub produit deux séries de courbes. Les courbes d’homogénéité de groupe analysent sur les quinze derniers jours, 1/ la variation du comportement du troupeau dans le temps et 2/ les différences entre individus. Les courbes de routine de groupe, quant à elles, permettent de suivre en temps réel les évolutions de l’activité, de la rumination, de l’ingestion et de l’essoufflement heure par heure.

Les capteurs auriculaires ont été préférés aux colliers car ils sont plus faciles à installer lorsque les animaux sont bloqués au cornadis.

Pour le moment, Guillaume Vincent consulte surtout les alertes de chaleur et de rumination sur son smartphone. SenseHub l’aide à anticiper les problèmes sanitaires. « Quand une vache est en alerte, je ne me précipite pas immédiatement pour aller l’observer » nuance l’éleveur qui « intervient quand elle est en alerte pendant au moins deux heures ». Passionné de nutrition, il s’intéresse particulièrement au suivi des courbes de rumination. Aujourd’hui, il ne le fait pas aussi souvent qu’il le souhaiterait car le bâtiment des laitières n’est pas encore équipé d’un ordinateur 6. En analysant la rumination du troupeau (voir le graphique 1 : courbes d’homogénéité de groupe), il a pu constater que 1/ le temps de rumination avait diminué au moment de la transition entre les maïs ensilés en 2021 et ceux de 2022 (au début du mois de juin) et que 2/ la variabilité de rumination entre animaux avait augmenté à la même période. Cette dernière information suggère que le comportement de tri à l’auge s’est développé. Dernièrement, le suivi des courbes de routine de groupe l’a également aidé à confirmer les causes d’une baisse d’ingestion. Guillaume Vincent avait observé que ses vaches consommaient moins depuis l’ouverture du nouvel ensilage de seigle. Son nutritionniste attribuait ce phénomène au stress thermique alors que l’éleveur penchait plutôt pour un échauffement de l’ensilage de seigle dans l’auge car ce dernier a été ensilé trop humide. L’analyse de la courbe d’essoufflement (voir le graphique 2 : courbes de routine de groupe) permet de vérifier que les vaches ne souffrent de stress thermique que lorsqu’elles sont dans le parc d’attente (vers 5h30 et 17h00) et que cette cause devait donc être écartée 7 pour privilégier celle de la reprise des fermentations dans l’auge. L’éleveur s’est mis à distribuer deux fois par jour (à 7h00 et à 19h00), ce qui s’est traduit par une petite amélioration de l’ingestion.

« Quand j’aurais un ordinateur sur place, je pourrai mieux exploiter le potentiel de SenseHub » anticipe Guillaume Vincent tout en prévenant « qu’il ne passera pas non des heures devant l’écran ». « Je n’inverserai pas les rôles : l’observation se passe d’abord dans la stabulation et le monitoring vient en complément » insiste l’éleveur. Il prévoit de focaliser ses analyses sur les périodes de transitions alimentaires et de stress thermique pour l’aider à expliquer et à interpréter ses observations au sein du troupeau. Aujourd’hui, il apprécie déjà les améliorations au niveau de la gestion de la reproduction. Il ressent « du confort en plus et du stress en moins pour la surveillance des chaleurs ». L’amélioration des résultats de fécondité est déjà perceptible, ce qui permet, d’après l’éleveur, « de bien préparer la production laitière future ». En effet, il note « qu’il va avoir un nombre plus régulier de vêlages dans les mois à venir, proche de son objectif de 10 à 12 par mois ».  

  1. Le bâtiment est aménagé avec 124 places de logettes. ↩︎
  2. Les vaches sont traites dans une TPA 2X10. ↩︎
  3. Il n’y a pas d’abonnement en plus et les mises à jour sont gratuites. ↩︎
  4. Les capteurs auriculaires V2 ont une durée de vie moyenne de 5 ans contre 7 pour les colliers. Ils sont récupérables et réutilisables sur d’autres animaux après la réforme. ↩︎
  5. Grâce à sa portée de 500 mètres, l’antenne est capable de « surveiller » des animaux au pâturage. ↩︎
  6. L’unique ordinateur de l’exploitation se situe sur un autre site. ↩︎
  7. Le bâtiment est équipé de brasseurs d’air ainsi que d’une ligne de brumisation. ↩︎