A la fin de 2022, le méthaniseur de la SARL Méthasun va produire les 360 kWh pour lesquels il a été conçu par la société Evalor. Jusqu’à aujourd’hui sa production était bridée à 262 kWh par le contrat de vente. Un supplément de revenu bienvenu pour apporter plus de sérénité dans la gestion financière.
« Pour nous, la vente d’énergie est une voie d’avenir, une façon d’augmenter la valeur ajoutée de notre atelier laitier en valorisant les effluents d’élevage. Prendre ce train-là nous intéressait » explique Simon Rouger, responsable de l’unité de méthanisation de la SARL Méthasun construite en 2019 à l’ouest du Maine et Loire. C’est l’arrivée, en 2018, d’un sixième associé dans l’Earl Cultilait, l’exploitation laitière à laquelle est adossée la SARL Méthasun, qui a permis de passer du projet à la réalisation. Ce nouvel associé a apporté dans l’EARL 200 000 litres de lait supplémentaires et 80 ha de surfaces cultivées. Il fallait donc mettre aux normes le stockage du lisier des 200 vaches laitières. Ce sera fait en 2019, en investissant 2,2 millions d’euros dans un méthaniseur en cogénération d’une capacité de 360 kWh. Cependant, à cette date, le contrat de vente d’électricité n’a été conclu que pour 262 kWh.
Boost Hydrolyse
Les associés ont choisi le process Evalor. « Nous avons rencontré plusieurs concepteurs qui nous ont fait visiter plusieurs de leurs réalisations. Evalor a su nous mettre en confiance » commence Simon Rouger pour expliquer ce choix.Le système de Boost-Hydrolyse développé par Evalor répondait aux attentes des associés. La Boost-Hydrolyse consiste en l’installation en amont du digesteur, d’une fosse enterrée et couverte maintenue à un pH voulu pour commencer la digestion de la ration avant de la transférer dans le méthaniseur (1). « Nous ne voulions pas d’une incorporation directe de la ration dans le méthaniseur car nous avons beaucoup de pierres dans la paille et dans les ensilages. La fosse de Boost-hydrolyse fait office de piège à pierres » justifie Simon Rouger. Après seulement deux années de fonctionnement, il a retiré plus de 40 m3 de pierres et de sable de cette fosse.
La création du méthaniseur a nécessité d’embaucher un salarié pour remplacer Simon Rouger à son poste précédent de responsable cultures. Aujourd’hui, ce dernier assurele suivi de l’irrigation et la conduite du méthaniseur. « Il faut-être disponible pour surveiller les alarmes » reconnait l’exploitant. En effet, les installations en cogénération sont très sensibles aux chutes de tension qui arrêtent automatiquement le moteur pour protéger les opérateurs qui interviennent sur les lignes électriques. Il faut donc le réenclencher manuellement. « Heureusement, je peux suivre mon installation sur mon smartphone et réenclencher le moteur directement de chez moi » apprécie l’exploitant.
Enedis a raccordé l’installation au réseau électrique avec un mois de retard, obligeant les exploitants à torcher le gaz pendant cette période. La montée en charge pour atteindre l’objectif de production s’est faite sur deux mois et demi (2). Le méthaniseur est mis en route sans transfert de matière d’un autre méthaniseur, uniquement avec les intrants de l’exploitation dont deux-tiers de lisier. « Il m’a fallu un an d’apprentissage pour comprendre, maîtriser et anticiper le fonctionnement du méthaniseur. Et j’apprends encore tous les jours » commente Simon Rouger. « Pendant toute cette période, j’ai été bien épaulé par les biologistes d’Evalor ».
1 € d’intrants doit en rapporter 3
« Nos effluents ainsi que les fientes de poulettes d’un atelier voisin et nos CIVE nous permettent d’être autosuffisants à 90 % pour alimenter le méthaniseur ». Pour compléter la ration, les éleveurs ont contractualisé avec un industriel qui fabrique des pectines de fruit pour récupérer du marc de pomme et des pulpes de citrus en contrepartie de la prise en charge du coût du transport. Simon Rouger est régulièrement démarché pour acheter des intrants méthanogènes. « Nous sommes ouverts aux opportunités en se fixant comme règle que l’achat d’un euro d’intrant méthanogène doit nous rapporter trois euros de vente d’électricité pour financer l’installation, rémunérer le travail et marger ».
Pour la maintenance et l’entretien du méthaniseur, les exploitants ont conclu un contrat d’assistance avec Evalor qui inclus un suivi et des conseils pour optimiser la production de biogaz ainsi qu’une visite annuelle de maintenance préventive pour planifier les interventions nécessaires. « Nous épargnons chaque mois pour financer ces opérations de maintenance afin de lisser leur coût sur l’année. Notre contrat d’entretien permet également de provisionner le coût de remplacement du moteur » souligne Simon Rouger. Les exploitants ont choisi d’équiper le stockage du digestat d’un ciel gazeux qui permet un stockage total de biogaz équivalent à 20 heures de production. Une telle réserve permet selon Simon Rouger « d’apporter de la souplesse dans la conduite du méthaniseur, par exemple d’éviter de brûler du gaz à la torchère pendant les arrêts de maintenance du moteur ». Avec cet équipement, il recommande d’anticiper les épandages de digestat en augmentant la production de gaz afin de maintenir la pression dans les cuves. « Lorsqu’on extrait du digestat, la pression dans les cuves baisse, le moteur ralentie et la production électrique diminue » décrit Simon Rouger.
20 % d’ammonitrate économisés
Il calcule qu’en comptant la main d’œuvre, l’équilibre financier est tout juste atteint avec le contrat actuel de 262 kWh en notant qu’ « à ce niveau de production, il ne faut pas de charges imprévues pour ne pas passer dans le rouge ». Simon Rouger reconnait que le méthaniseur a permis de faire une économie de 20 % sur les achats d’ammonitrate (3). L’azote du digestat est plus disponible que celui du lisier, ce qui permet de mieux le valoriser sur un plus grand nombre de cultures. Il suit la teneur en humus des sols de l’exploitation pour contrôler qu’elle se maintient. « Il est trop tôt pour conclure » commente l’exploitant. « D’un point de vue environnemental, la méthanisation contribue à améliorer le bilan carbone de l’exploitation » ajoute Simon Rouger dans la balance des avantages.
Fin 2022, le contrat de vente d’électricité va être augmenté de 100 kWh pour produire les 360 kWh prévus à la conception du méthaniseur. La ration va être enrichie et le temps de séjour légèrement réduit. Les associés devront également participer financièrement au changement de la ligne électrique nécessaire pour absorber cette puissance supplémentaire. Pour valoriser la chaleur résiduelle du moteur, un séchoir a été construit et sera bientôt opérationnel. « Valoriser cette chaleur est un engagement vis-à-vis de l’ADEME qui a subventionné l’investissement » précise Simon Rouger. Il compte proposer des prestations de séchage de bois, de grains ou d’autres matières à des entreprises. Il espère qu’« avec le prix de l’énergie qui flambe, il n’aura pas de difficulté à rentabiliser cet outil ».
- La Boost Hydrolyse. Le process de production de biogaz comporte 4 étapes : l’hydrolyse, l’acidogenèse, la cétogenèse et la méthanogenèse. Les deux premières étapes ont une efficacité maximum dans des conditions de pH acide tandis que les deux dernières ont besoin d’un pH légèrement supérieur à 7. C’est pourquoi, Evalor a développé le système Boost Hydrolyse® en installant en amont du digesteur une cuve maintenue à un pH différent du digesteur. La ration y est hydrolysée pendant 2 jours avant d’être transférée dans le digesteur pour finir sa transformation en biogaz. L’intérêt de cette technologie est d’augmenter la teneur en méthane du biogaz.
- Chez Evalor, la performance de l’installation est garantie et le transfert de la propriété de l’installation n’est effective que lorsque la production attendue de gaz est atteinte, en général 2 à 3 mois après la mise en route.
- Les 13000 tonnes brutes de digestat génèrent annuellement 47 tonnes d’azote rapidement disponible.
Fiche descriptive de l’unité de méthanisation
Earl Cultilait, Val d’Erdre-Auxence (49)
- 6 associés (Simon, Jacques et Antoine Rouger, Cédric Belouin, Kevin Chauvin et Maxime Martin), 1 salarié et 3 apprentis.
- 515 ha de SAU dont 420 ha de surface d’épandage.
- 200 VL pour produire 2,030 millions de litres de lait.
- 4 lots de vaches : 2 lots traits au robot (120 vaches) et 2 lots de vaches (vaches à problèmes et première semaine de lactation) en salle de traite.
- 33 à 34 kg de lait / VL / j à 33 g/l de TP et 43 g/l de TB.
- IVV de 385 jours.
SARL Méthasun, l’entité juridique qui a construit et gère le méthaniseur de l’Earl.
- Unité en cogénération installée en novembre 2019.
- Process EVALOR avec fosse Boost Hydrolyse (1) enterrée et couverte de 450 m3.
- Capacité de production : 360 kWh. Contrat de vente actuelle : 262 kWh.
- 1 digesteur de 2100 m3 et 1 cuve de stockage du digestat de 6500 m3 avec ciel gazeux (capacité totale de stockage équivalente à 20 heures de production).
- 2,2 millions d’euros d’investissement.
- 1 associé, Simon Rouger, responsable du suivi du méthaniseur.
- La ration du digesteur (40 tonnes /j) :
- 70 % d’effluent d’élevage (lisier et fumier de bovins, fiente de volaille d’un élevage de poulettes extérieur). Les vaches sortent peu.
- Ensilage de CIVE (Seigle) et plus rarement de maïs fourrage.
- Sous-produits : marc de pommes et pulpes de citrus dont seule la logistique est facturée ; résidus de triage du grain facturés.
Le chiffre :
Les élevages avec méthanisation diminuent de -71 % leur impact sur le réchauffement climatique.
Source : étude INRAE, Solagro, 2020