960 g de GMQ de la naissance à 3 mois. Ce résultat s’explique par un plan d’allaitement poussé et un protocole d’hygiène rigoureux selon Isabelle et François Merlant, les deux éleveurs de l’Earl du Rouge Pignon.
Il y a 5 ans, Isabelle Merlant (1) et son mari François ont abandonné l’engraissement de taurillons pour se spécialiser en production laitière. Aujourd’hui, ils sont à la tête d’un élevage d’une centaine de Prim’Holstein à Saint-Waastdans le département du Nord.En cinq ans, la production laitière a doublé pour dépasser le million de litres. « Pour cela, nous avons revu nos pratiques d’élevage, en commençant par nos choix génétiques » raconte François Merlant. Finies les vaches de grand gabarit au profit d’une taille plus modérée et d’une morphologie plus puissance et plus fonctionnelle. Isabelle et François Merlant sont allés à la rencontre d’autres éleveurs pour s’inspirer de leurs conduites de troupeau. Ils résument ce qu’il recherchait en trois mots : « la simplicité, l’efficacité et la rentabilité ». De ces visites, ils sont revenus avec la conviction qu’ « un éleveur laitier c’est d’abord un éleveur de génisses ». « Quand l’élevage des génisses est réussi, la santé des vaches et la production laitière suivent » affirme François Merlant en expliquant que « sans hygiène, il n’y a pas de bonne croissance des génisses et que sans croissance il n’y a pas de bonnes mamelles ».
Du temps pour l’hygiène
Pour François et Isabelle Merlant, la base de l’élevage des veaux c’est l’hygiène pour diminuer la pression des pathogènes. François aime à dire que ses outils indispensables sont la paille et la tondeuse (2) et que ceux de sa femme sont le nettoyeur à eau chaude et le chlore. Selon les éleveurs, « c’est important de formaliser des protocoles et de s’y tenir rigoureusement ». « Nous avons fixé des jours de la semaine pour faire les différentes tâches et nous nous y tenons. Il faut de la régularité » illustre François Merlant. « Le maintient de l’hygiène, c’est ce qui nous prend le plus de temps » reconnaissent les deux éleveurs.
Les veaux naissent dans la case de préparation au vêlage et sont retirés rapidement après leur naissance pour éviter d’être contaminés par les pathogènes présents dans la litière des vaches. Ils sont alors conduits dans la nurserie où ils resteront jusqu’à l’âge de six mois. Chaque veau est pesé et installé dans une case individuelle pour leurs dix premiers jours de vie. Il reçoit alors quatre litres de colostrum par drenchage. La qualité de tous les colostrums est vérifiée au réfractomètre brix. Après dix jours, ils sont allotés en cases collectives de quatre à cinq veaux. La case individuelle est alors lavée au surpresseur à eau chaude et désinfectée à l’eau de Javel. « Comme nos veaux boivent quatorze litres par jour au pic du plan d’allaitement, nous sommes très attentifs à l’humidité des litières » insiste François Merlant. Les cases collectives sont paillées tous les deux jours et curées toutes les deux semaines. Autres pratiques qui participent au contrôle de la pression des pathogènes : le taxi à lait est lavé et désinfecté après chaque distribution, les seaux sont brossés et égouttés après chaque buvée et désinfectés à la javel une fois par semaine. « Sur ces deux dernières années, nous n’avons connu aucune diarrhée » constate Isabelle Merlant. Les problèmes respiratoires sont également maîtrisés grâce, entre autres, au contrôle des entrées d’air dans le bâtiment, à l’isolation du toit qui tamponne les amplitudes thermiques et à la tonte de la ligne du dos (2). « Nous avons autour de 130 vêlages par an dont nous gardons une soixantaine de génisses de renouvellement. Trois à quatre d’entre elles meurent » compte l’éleveuse (soit un taux de mortalité de 7 %).
8 litres de buvée dès le 2ème jour
Les conditions d’hygiène sécurisantes ont permis de mettre en place un programme alimentaire poussée pendant les six premiers mois. « L’objectif est de favoriser le développement du tissu mammaire pour construire le potentiel laitier de la future vache (3) » argumente François Merlant. Le plan d’alimentation conseillé par Fabien Zalewski, le technicien de Lactalis Feed qui suit l’élevage, est fondé sur les résultats de recherche américaine qui montrentqu’un plan lacté poussé avec 1 kg de poudre de lait enrichie en protéines accélère le développement de la glande mammaire et diminue l’âge à la puberté et donc l’âge à la mise en reproduction. « Nous recherchons à faire consommer le plus rapidement possible un kilo d’aliment d’allaitement riche en protéines laitières » explique le technicien. « Dès leur premier repas, les eaux boivent quatre litres de colostrum par drenchage, si bien que la caillette est préparée à recevoir un tel volume. Alors pourquoi démarrer un plan d’allaitement en diminuant le volume des buvées pour les remonter ensuite ? » interpelle le technicien. « Mais, si on donne de grosses quantités de lait de la mère, on risque des diarrhées alimentaires car le taux de matière grasse des premières traites est trop élevé (5) ». C’est pourquoi, dès le deuxième jour, les veaux passent à l’aliment d’allaitement. Dès le deuxième jour, Isabelle Merlant distribue deux buvées par jour de quatre litres d’aliment d’allaitement soit huit litres de buvée concentrés à 125 g d’aliment d’allaitement. « Cela n’est possible qu’avec un aliment sécurisant, c’est-à-dire qui contient au moins 50 % de poudre de lait écrémé (PLE) » avertit Fabien Zalewski. Celui utilisé dans l’élevage est le LactoproTOP®. LactaproTOP est composé à 50 % de PLE et dose 24 % de protéines exclusivement laitières. Il est enrichi en immunoglobulines pour renforcer les défenses immunitaires du veau au démarrage. « Pendant la première semaine, j’observe les fèces des veaux afin d’ajuster les quantités si je décèle des problèmes digestifs » précise Isabelle Merlant. Les veaux boivent jusqu’à quatorze litres par jour en cinquième et sixième semaine, ce qui représente 1,750 kg d’aliment d’allaitement par jour. Chaque veau ingère 84 kilos de LactaproTOP jusqu’à leur sevrage à dix semaines (voir le plan d’allaitement en tableau 1). Les animaux ont accès à un mash fermier (6) préparé dans la mélangeuse et à de la paille qui, selon François Merlant « a une composition est plus régulière que le foin ».
Les éleveurs se sont équipés d’une plateforme de pesage installée dans la nurserie. Toutes les génisses sont pesées tous les mois jusqu’à leurs six mois puis avant leur insémination au moment de la pose des podomètres. « Nous sommes bien organisés, si bien qu’il faut compter moins de trois-quarts d’heure à deux pour peser une trentaine de génisses » relève François Merlant. Les quinze dernières génisses mises à l’insémination pesaient 438 kg de moyenne à 13,5 mois. Leur GMQ moyen est de 1,05 kg entre leur naissance et 6 mois et de 960 g pendant les trois premiers mois. « Je pourrais les inséminer plus tôt, dès 380 kg, mais je préfère attendre 14 mois pour ne pas pénaliser la première lactation » reconnait François Merlant.
- Isabelle Merlant a le statut de salarié.
- La tonte de la ligne du dos réduit de 10 à 15 % les problèmes respiratoires en limitant la présence d’humidité dans les poils.
- Le tissu mammaire se développe beaucoup plus rapidement que le reste du corps pendant les trois premiers mois. A 90 jours, le poids de la glande mammaire est 60 fois plus important qu’à la naissance.
- Etude réalisée à Virginia Tech par le docteur Adam Geiger en 2016.
- Le taux de lipides du colostrum est de 8 % au vêlage et diminue progressivement pendant les 5 premiers jours.
- Composition du mash fermier préparé dans une mélangeuse : coque de soja, maïs concassé, drêche de maïs, tourteaux de soja et de colza. Il est distribué jusqu’à l’âge de 6 mois.
Tableau 1 : Plan d’allaitement des veaux
Périodes | Nbre de buvées X litres par buvée (en litres par jour) | Quantité d’aliment d’allaitement Lactapro TOP à 24% de protéines (125 g / litre de buvée) |
Jour 1 | 4 l de colostrum + 1 repas de réhydratant. | |
Jour 2 à Jour 8 | 2 buvées X 4 litres = 8 litres | 1 kg |
Semaine 2 | 2 buvées X 4,5 litres = 9 litres | 1,125 kg |
Semaine 3 | 2 buvées X 5 litres = 10 litres | 1,250 kg |
Semaine 4 | 2 buvées X 6 litres = 12 litres | 1,5 kg |
Semaines 5 et 6 | 2 buvées X 7 litres = 14 litres | 1,750 kg |
Semaine 7 | 2 buvées X 6 litres = 12 litres | 1,5 kg |
Semaine 8 | 2 buvées X 5 litres = 10 litres | 1,250 kg |
Semaine 9 | 2 buvées X 4 litres = 8 litres | 1 kg |
Semaine 10 | 1 buvée X 3 litres = 3 litres | 0,375 kg |
De 0 j au sevrage à 10 semaines | 84 kg |
Fiche descriptive :
EARL du Rouge Pignon, Monceau – Saint-Waast (59)
- 1 gérant, M. François Merlant, et 1 salariée, Mme Isabelle Merlant.
- 105 ha de culture dont 75 ha de surface fourragère.
- 100 vaches laitières pour produire 1,050 million de litres de lait conventionnel.
- 33,5 kg de lait / VL / j à 33,5 g / kg de TP et 42,5 g / kg de TB.
- Intervalle Vêlage – Vêlage : 375 j.
- Une 60 aine de génisses élevées par an.
- Croisement des vaches non retenue pour le renouvellement avec la race British Blue.
- GMQ 0 – 3 mois : 960 g ; GMQ 0 – 6 mois : 1,05 kg.
- 438 kg de moyenne à 13,5 mois.